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Est-ce que votre entreprise est contaminé par le virus WTF ?

Le virus WTF (Weber, Taylor et Ford) est un virus qui contamine un grand nombre d’entreprises.

Mis en évidence par les travaux d’Henri Savall et Véronique Zardet dès 2006, le virus WTF (en réalité TFW) se réfère à l’application des principes classiques d’organisation du travail proposés par Taylor (1911), Fayol (1916) et Weber (1924) aux environnements économiques actuels.

  • Taylor définit l’organisation du poste du travail selon une hyper-fragmentation (le processus de production d’un bien est décomposé en une suite de tâches simples confiées chacune à une personne spécialisée) et sépare les fonctions de conception des fonctions d’exécution (direction vs opérationnels).
  • L’idéal d’organisation selon Weber se rapproche d’une structure de type bureaucratique où l’emploi est la principale occupation de l’individu, la promotion dépend de l’ancienneté et de l’appréciation des supérieurs hiérarchiques et dans lequel les salariés sont soumis à un contrôle strict et systématique dans leur travail.
  • Enfin Fayol prône une organisation générale de l’entreprise selon une séparation des fonctions (Technique, Commerciale, Financière, Administrative, Sécurité et Comptabilité) entraînant une hyper spécialisation des individus.

Ces approches fondatrices du début de l’ère industrielle continuent d’être diffusées au sein de nombreuses sociétés à des niveaux plus ou moins importants malgré les nombreuses critiques émises depuis plus de 40 ans à leur encontre.

La principale critique étant de créer pour le salarié de la monotonie dans son travail et une absence de motivation autre que sa rémunération.

Ces conceptions de l’organisation limitent le potentiel de polyvalence de chaque salarié et se révèlent contreproductives dans un environnement économique qui requiert de l’agilité et de la réactivité, là où les salariés réclament des responsabilités, de l’autonomie et de la polyvalence.

Les dysfonctionnements classiques de ces organisations (absentéisme important, accidents du travail, forte rotation du personnel, problème de qualité des biens et services produits ainsi qu’une productivité directe dégradée) entraînent une mauvaise performance de la société.

Chacun de ces dysfonctionnements engendre des coûts cachés qui n’apparaissent pas en lecture directe sur les états financiers, dont il convient d’identifier les causes et de chiffrer le montant (cf. revue ACCRA 2018, Savall, Cappelletti et Voyant).

Ces coûts cachés correspondent aux coûts des actions prises par le dirigeant pour réguler ces dysfonctionnements.

Par exemple, les coûts cachés pour réguler l’absentéisme correspondent aux salaires versés aux absents par l’entreprise compte tenu des régimes sociaux en vigueur ; aux temps des tâches supplémentaires réalisées par les présents en raison des absences ; aux coûts des sous-traitants ou intérimaires recrutés pour pallier les absences et à la non-production correspondant au travail des absents non pris en charge par les autres salariés.

Les coûts cachés générés par des dysfonctionnements structurels, c.-à-d. ceux qui se répètent de manière continue et habituelle au sein de l’entreprise, doivent être traités par le dirigeant car ils sont générateurs d’un gain de performance.

Savall, Cappelletti et Voyant estiment le montant de ces coûts cachés entre 20 000 € et 70 000 € par salarié et par an.

Bien qu’il existe une fraction irréductible de ces coûts cachés, il est néanmoins possible de les diminuer de 35 % à 55 %, par la mise en place d’outils adaptés (ex : logiciels), de nouvelles méthodes de travail (ex : gestion de projet) et plus généralement par l’amélioration des conditions de travail des salariés.

Un diagnostic de l’organisation permettra de récolter les informations liées aux dysfonctionnements : le temps passé à réguler le dysfonctionnement, la fréquence à laquelle le dysfonctionnement apparaît et le nombre de personnes concernées par la régulation.

Il devient alors possible de chiffrer n’importe quel coût caché comme par exemple celui d’une réunion inefficace, le coût d’une délégation inversée (le dirigeant effectue le travail d’un collaborateur à sa place), le coût des interruptions dans le travail par des appels de clients ou fournisseurs du fait de l’absence de standard téléphonique ou d’assistante, le coût des heures passées sur une réclamation clients, le coût de recopie d’informations pouvant être obtenues de manière automatisée, le coût d’une imprimante lente, etc…

Le dirigeant peut alors rapprocher le coût de ce dysfonctionnement du coût de la solution qu’il envisage de mettre en place pour remédier à ce dysfonctionnement.

Il peut être également intéressant pour le dirigeant d’intégrer à son tableau de bord une typologie des coûts cachés et de les contrôler régulièrement afin de s’assurer qu’ils restent à un niveau acceptable.